Entretien avec Sam Collaudin, à l’origine du Fonds Grillon

Entretien avec Sam Collaudin, à l’origine du Fonds Grillon

Ancien président de l’association régionale des Cigales (Clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire) de la région Auvergne Rhône-Alpes (AuRA), Sam Collaudin a porté, jusqu’à en faire une réalité, le projet de création du Fonds Grillon, entouré de quelques Cigalier.ère.s, convaincu.e.s du bien-fondé de cette démarche. Aujourd’hui président du Fonds Grillon, il nous explique comment lui est venue cette idée et ce qui le motive à poursuivre cette incroyable et belle ambition.

Tout d’abord, peux-tu nous dire ce qui t’a amené à t’impliquer dans le monde de la finance solidaire, au sein des Cigales AuRA d’abord, puis aujourd’hui au sein du Fonds Grillon ?

J’ai toujours eu une appétence pour la finance, j’en ai même fait mon métier ! Je travaille aujourd’hui à mi-temps pour le compte d’entreprises de biotechnologies. Je les accompagne dans l’élaboration de leur stratégie financière. L’autre mi-temps, je le consacre à mon engagement associatif et en particulier à la finance solidaire.

Je le disais, j’ai toujours été intéressé par les questions de financement, que ce soit de l’enseignement et de la recherche, des associations, des structures publiques et des mutuelles. En parallèle de mes études en mathématiques, puis en biotechnologies, je me suis engagé dans de nombreuses associations étudiantes, ainsi qu’au sein de plusieurs conseils dont le CA et la commission Finances de mon école, puis dans l’administration d’un groupe de mutuelles où la gestion des risques financiers est clef.

À travers ces expériences j’ai pu observer à quel point le financement est un point critique dans de nombreux domaines. Certains domaines ne sont pas considérés comme assez rentables ou “sexy”, ou des entreprises ont des structures juridiques qui ne correspondent pas aux attentes de la plupart des financeurs et il est souvent difficile d’obtenir des financements et de lever des fonds. J’ai donc décidé de me rapprocher de la finance solidaire et d’y apporter mes compétences et mon temps au travers de projets collectifs.

À ton avis, qu’est-ce qui fait que le monde de la finance est ce qu’il est aujourd’hui ?

Je fais le constat que le monde de la finance est compliqué, obscur, complexe et que les citoyens et citoyennes ne s’y intéressent pas, ne prennent pas le temps d’y réfléchir. Ils étudient peu son fonctionnement, ils écoutent souvent de manière aveugle ce que leur banquier leur dit. Alors que la finance a un impact énorme, elle est au centre de tout. 

L’épargne peut être utilisée pour des activités ayant des impacts négatifs, sur l’environnement, sur les sociétés, sans que les citoyens et citoyennes, qui gardent ou placent cet argent, en aient conscience.

A contrario, l’argent est central pour mettre en place des actions environnementales, sociétales bénéfiques et on n’en parle pas.

Il est nécessaire de changer de paradigme : l’objectif n’est plus de faire un maximum de rentabilité en finançant des activités peu éthiques voire destructrices, il est de rendre l’argent utile sans forcément en perdre. Par exemple, financer le petit commerce du coin plutôt que d’obtenir des dividendes grâce à ses investissements dans des entreprises pétrolières, ça permet d’éviter de faire des kilomètres, et donc de consommer du carburant qui coûte, pour faire ses courses.

Alors justement, comment le Fonds Grillon va aider ce changement de paradigme ?

Au sein des Cigales, nous avons pu constater qu’il est difficile de sensibiliser les citoyens et citoyennes, surtout les personnes qui ne sont pas déjà convaincues, à cette nouvelle manière de voir la finance.

Dans la région Auvergne Rhône-Alpes, cette action de sensibilisation est soutenue par les métropoles (Lyon, Grenoble, Saint-Étienne) qui subventionnent notamment l’économie sociale et solidaire dans laquelle s’inscrit les Cigales et le Fonds Grillon. Mais dès que l’on sort des métropoles, la Région ne joue pas son rôle de pouvoir public et offre peu de moyens financiers pour soutenir nos actions alors qu’elles pourraient avoir un fort impact ! Par exemple, aujourd’hui, une ferme collective bio aura plus de facilité à trouver des sources de financement, et notamment un soutien via la finance solidaire, si elle s’installe proche d’une métropole plutôt que dans le milieu rural où la communauté de communes n’a pas les mêmes moyens financiers et les habitants de ces territoires, moins nombreux et moins informés, ne penseront pas à se réunir pour mettre leur épargne en commun et soutenir cette installation. D’où l’importance de mener des actions en faveur de la finance solidaire et de l’épargne citoyenne.

Encore faut-il avoir des moyens financiers (en plus des moyens humains) pour mettre en place ces actions de coordination et de sensibilisation sur le bassin régional. C’est là que le Fonds Grillon intervient.

Peux-tu nous expliquer comment fonctionne ce Fonds Grillon ?

Le Fonds Grillon est un fonds de dotation qui permet de lever des fonds privés. Puisque les subventions publiques ne sont pas suffisantes, nous nous sommes dit que nous pourrions faire appel à d’autres sources de financement.

Nous avons préféré créer un fonds de dotation plutôt qu’une association car par nature, un fonds de dotation est d’intérêt général alors qu’une association peut très bien recueillir des fonds même si la totalité de ses actions ne sont pas d’intérêt général. Ainsi, nous pouvons garantir à nos mécènes et donateur.rice.s que leur argent est intégralement utilisé pour l’intérêt général. De plus, le fonctionnement d’un fonds de dotation est contrôlé, ce qui oblige à bien le gérer. C’est donc un deuxième gage de confiance pour nos mécènes et donateurs. Et comme ce n’est pas la même chose de gérer des campagnes de mécénat que de demander des subventions, j’ai suivi une formation avec Co-influence pour pouvoir monter en compétences dans ce domaine. 

Pour finir, que peut-on te souhaiter en tant que président du Fonds Grillon ?

De parvenir à lever un maximum de fonds pour pouvoir conduire des actions communes avec plusieurs acteurs de la finance solidaire (FAIR, Cigales, Villages Vivants, La Nef, Centrales Villageoises, Energies Partagées, etc.) afin de sensibiliser et éduquer le plus grand nombre de citoyens et citoyennes au pouvoir qu’il.elle.s peuvent avoir avec leur argent.

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